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I am a Hero de Kengo Hanazawa

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 I am a Hero  de Kengo Hanazawa

 

Les zombies pullulent. La vogue en a été lancée outre Atlantique par Walking dead. Heureusement pour notre survie l'auteur de World war Z, Max Brooks qui n'est autre que le fils de Mel Brooks a écrit un fort utile "Guide de survie en territoire zombie (les deux livres sont édités au Livre de poche) d'autant plus utile que l'épidémie de zombie a atteint le Japon.  avec I am a hero de Kengo Hanazawa, auteur complet puisqu'il est responsable à la fois du dessin et su scénario. Autre tendance dans l'air du temps les mangas et bandes dessinées mettant en scène, depuis Bakuman, des mangakas. Hanasawa a du se dire pourquoi ne pas rassembler ces deux courants. Mais le tour de force de notre auteur est de distordre les clichés des deux genres. Ce qui donne une série totalement décalée par rapport à ce quoi on pourrait s'attendre. I am a hero est très différent de Walking dead  le travail d’Hanazawa prend d’autant plus de force qu’il semble à l’opposé du récit épique américain des nouvelles frontières où le héros imposerait avec force et courage son mode/droit de vie dans un monde hostile.

Dans le premier tome on fait connaissance avec le héros ou plutôt l'anti-héros tout le contraire du titre mégalomane. Titre qui rend hommage au titre original du chef d'oeuvre de Richard Matheson "Je suis une légende".  Hideo Suzuki est un assistant mangaka paranoiaque  dont la petite amie, Tekko, est elle-même mangaka en devenir. Les 11 premières pages sont muettes. On y voit seulement un homme, le héros (?), arriver chez lui. Il ouvre méticuleusement les nombreux verrous de sécurité de son appartement. Il entrouvre délicatement la porte, se livre à une danse exorcisante bien étrange et fini par traverser le couloir et actionner le bouton de la lumière de la pièce principale, avec un luxe de précaution. On apprendra bientôt que la paranoia de notre mangaka l'a conduit à prendre comme hobby le tir sur cible. Activité qui lui permet d'avoir une arme chez lui, fait extrêmement rare au Japon. Dans le tome 7 il parvient à faire de ce simple fusil, qui serait dans une œuvre américaine une arme parmi tant d’autres, l’élément central de l’intrigue. Dans un Japon, où les armes à feu sont très peu présentes dans la population civile,

I am a Hero tome 7

Après avoir ouvert laborieusement sa porte il vérifie que tout identique à ce qu'il avait laissé en quittant son appartement : les fenêtres, les toilettes, le frigo… Avant de manger un repas frugal en regardant les informations à la télévision. Le premier tome de la série nous dépeint un personnage mal dans sa peau, complètement déconnecté des réalités, dans la crainte d'un complot mondial qui le viserait (ce premier volume fait craindre un manga complotiste mais jusqu'à aujourd'hui, nous en sommes au volume 12, 15 au Japon, rien confirme cette crainte), il est dans la hantise d'une catastrophe naturelle sans précédent, voire même à la fin du monde (Ce qui est amusant c'est lorsqu'elle sera là, il mettra beaucoup de temps à s'en apercevoir alors que le lecteur le plus distrait aura compris depuis longtemps). Hideo Suzuki passe le temps en discutant avec Yajima, un petit personnage issu de son imagination. Il n’arrive pas à dormir, voit les heures qui défilent et lorsque, au réveil, le soleil se lève de nouveau, c’est pour lui une délivrance : « j’ai gagné », s’exclame-t-il avant de défier les spectres et autres esprits malins. Dans cette histoire de zombies, le premier mort vivant réellement agressif se paye le luxe de n’apparaître que dans les toutes dernières pages du tome 1. Pourtant, dans un chapitre précédent, une jeune femme renversée par une voiture se relevait, le coup cassé, et repartait nonchalamment. Ce qui ne trouble nullement Suzuki (on pense alors à l'hilarant film "Shaun of the dead")...


La vie d'Hideo n’est  glorieuse. A 35 ans c'est un dessinateur de deuxième ordre, il n’est qu’assistant d’un grand mangaka réalisant des œuvres cochonnes. Ses collègues de travail sont tout aussi étranges. Il ne les apprécie pas vraiment mais, fataliste, il sait qu’il doit composer avec. Le soir, il rentre voir sa copine, bipolaire et ayant l’alcool mauvais. Pourtant, il aimerait bien s’en sortir. Il essaie de proposer ses planches à divers éditeurs, sans réel succès. Il se fait balader de bureau en bureau, mais ne perd pas espoir. On sent qu’il a de la volonté et qu’il aspire à une reconnaissance dans la vie.

Le premier volume s’attache donc à dépeindre la personnalité et l’environnement de Hidéo. Il ne se passe pas grand-chose et, pourtant, tous ces passages anodins nous en disent beaucoup sur ce qu’il est et sur ce qu’il va devenir. Le premier tome, extrêmement pessimiste, apporte aussi son lot d’humour noir. Dès le second les zombies, qui ne sont jamais nommés, ont envahi la ville. Ils mordent tout ce qui passe à leur portée afin de les transformer en morts-vivants. On passe de la réflexion à la catastrophe où l’humour, omniprésent, détend le lecteur. Les gens meurent, se font arracher un membre, voient leur famille décimée. Tout cela dans une ambiance plutôt bon enfant. Les personnages secondaires sont excellents, leurs répliques bien cinglantes sont décalées et renforce l’absurdité du genre humain. Le personnage principal devient presque le héros du titre.

Un des ressorts comiques (humour noir, très noir) du premier tome est que Suzuki ne remarque pas les prémices d'une épidémie qui transforme les personnes en monstres sanguinaires. Alors que l'infection se répand à travers le Japon, peut-être même le monde entier, Hideo tentera de survivre à l'épidémie et assistera à la destruction de la société japonaise sous la horde d'infectés et des survivants qui ont pour la plupart abandonné eux aussi toute humanité. Autre élément comique, bien utile pour soulager l'angoisse qui étreint parfois le lecteur plongé dans ce monde apocalyptique est le constant dilemme dans lequel Hideo se retrouve, absurde dans cette atmosphère de fin de l'humanité, par exemple, à cheval entre la peur de braver la loi en confiant son arme à quelqu’un qui n’est pas habilité à la manier et la conscience que le fusil est un gage de survie pour lui. Cette ambiguïté pousse le lecteur à s’impliquer d’autant plus dans le sort de son héros et l’absurdité qui émane de certaines réactions d’Hidéo est toujours agréable. Suzuki va bientôt rencontrer Hiromi Hayakari. Il s'agit d'une lycéenne timide, bizutée par ses camarades de classe mais pleine d'esprit et d'humour. Elle se lie d'amitié avec Hideo avant d'être infectée par le ZQN, après avoir été mordue par un nourrisson infecté (ah le bébé vampire un grand moment, et à ma connaissance assez faible je l'avoue en zombilogie, une nouveauté dans le domaine) Elle ne développe néanmoins pas tous les symptômes du virus et elle semble même "obéir" à Hideo et comprendre, dans une certaine mesure, ce qui se passe autour d'elle. Une zombie mutante en quelque sorte. L’infection d’Hiromi permet au mangaka de ponctuer le récit de scènes admirables où l’on voit le monde tel qu’Hiromi le perçoit tout en restant très mystérieuse sur la condition réelle de la jeune femme : pourquoi n’attaque-t-elle pas Hideo ? Peut-elle réellement être l’origine d’une solution au fléau qui frappe le Japon ?

Le dessin d'Hanasawa est réaliste et même hyper réaliste en ce qui concerne les décors. Pour ces derniers on y sent un peu trop directement la copie de photographies. Les images de repérage sont moins habilement transmutées que dans "Sprite" par exemple. Il reste que les amoureux des paysages japonais, principalement urbains seront comblés. Typique de l'esthétique du manga, les physionomies humaines sont représentées avec un peu moins de réalisme, avec une touche de caricature. Ce rendu renforce la lisibilité du manga. Les personnages se détachent bien sur les fonds. Ce réalisme aide grandement à captiver le lecteur. Les zombies sont bien là, mais ils ne sont pas effrayants gratuitement. Un grand travail a été fait dans le découpage des cases, chaque planche est pensée comme une entité complète : tout est fait pour que le lecteur se sente à l’aise face à ce  héros borderline. Chaque volume repend de l'édition japonaise les pages en couleurs qui sont de toute beauté. On sent qu’un travail méticuleux est apporté à chaque détail. En revanche, certains défauts de proportion apparaissent de temps en temps, notamment dans les scènes d’action. Tous les protagonistes sont soignés. Loin d’être des canons de beauté, ils ont une « gueule » qui les identifie immédiatement. Leur morphologie ou leur caractère, rien n’est laissé au hasard ! Le mangaka s’est appliqué à les ancrer dans la réalité.

Partant d’un personnage enfermé dans la paranoïa, ce manga s’ouvre rapidement sur un autre monde. Il bascule de la monotonie de la vie tranquille d’un gars paumé à une explosion de corps et de chairs ensanglantées. Hanazawa alterne des scènes d'angoisse profondément malaisantes, comme celle du taxi avec ses passagers contaminés, avec d'autres tempérées d'un humour absurde revigorant, puis avec de brèves explosions gore assez insupportables, quelques magnifiques passages introspectifs, comme cette nuit de terreur que notre piètre héros passe dans la forêt des suicidés...  Si le lecteur se laisse porté dans le premier volume, il ne peut que subir les agressions présentes dans la suite du récit. Tout comme Hideo Suzuki qui nous montre qu’il est loin d’être le héros qu’il aimerait devenir. Pour ma part je regrette qu'Hanazawa est abandonné (pour combien de tome?) Hideo avec lequel l'identification du lecteur fonctionnait à plein, pour d'autres personnage intéressant peut être plus charismatique que notre hésitant Hideo mais avec lequel on se sent moins de plein pied même si l'un d'eux émet l'idée certainement riche en rebondissement et qui sera sans doute fort utile pour clore une histoire dont on ne voit pas bien comment elle pourrait se terminer, mais ce n'est pas son moindre intérèt, que  les zombies semblent mûs par des sentiments rémanents de leur "vie" antérieure, conservant des réflexes inculqués avant leur mort / contamination. I am a hero a  un côté Murakami Haruki] à la fois pour les surprises narratives, mais aussi pour les qualités dialogiques. Un manga à ne pas laisser entre toutes les mains, mais devrait plaire au non-amateur du genre zombies, grâce à son ton complètement décalé. 

 

 

 

 I am a Hero  de Kengo Hanazawa

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